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Nicole Geneix, Philippe Frémaux

Et si on aimait enfin l’école !

ET SI ON AIMAIT ENFIN L’ECOLE !

Nicole Geneix, Philippe Frémaux

Alternatives Economiques Les Petits matins,décembre 2011, 172p, 12€

Quatrième de couverture :

L’école primaire est aujourd’hui accusée de tous les maux, au point de nourrir la nostalgie des bonnes vieilles méthodes d’antan. Plutôt que de fantasmer sur une institution idéale qui n’a jamais existé, ce livre s’efforce de dégager des pistes permettant d’affronter les difficultés bien réelles que connaît l’école primaire, afin qu’aucun élève ne sorte demain du système éducatif sans qualification.
Ce résultat ne sera pas atteint en un jour. Raison de plus pour définir des priorités claires, et s’y tenir. Au-delà des programmes et des contenus d’enseignement, ce sont aussi le fonctionnement et l’organisation des écoles, les relations avec les parents et les partenaires de l’école qu’il faut revoir, la formation des maîtres et les conditions d’exercice du métier qu’il faut transformer. Il importe de redonner confiance aux enseignants, un préalable pour changer l’école !

Critique de François Dubet  :

Ce livre est une critique en règle de la politique scolaire des gouvernements de droite, mais il n’est pas seulement un réquisitoire. Pour Nicole Geneix, ancienne responsable du SNUIPP et pour Philippe Frémeaux, éditorialiste à Alternatives Economiques, depuis 2002 les ministres de l’éducation ont cédé aux sirènes du « c’était mieux avant », ils ont supprimé des postes, détruit la formation des maîtres, installé un contrôle tatillon et ils ont fait de l’école élémentaire le nouveau bouc émissaire de notre système éducatif. Ces ministres communiquent plus qu’ils ne déploient une politique cohérente en multipliant les accusations, les injonctions contradictoires et les faux débats. La réforme Darcos qui a réduit la semaine à quatre jours de classe et l’année scolaire à 140 jours aurait mérité d’être bien plus sévèrement critiquée encore car si elle a un pu faciliter la vie des enseignants en « libérant » tout le mercredi, elle a rendu bien plus difficile celle des élèves et de leurs parents, sans même évoquer la dégradation des conditions de l’apprentissage qui nécessitent du temps. Même quand on partage aisément ces critiques, on peut regretter qu’elles laissent parfois entendre que les difficultés de l’école élémentaire sont récentes et qu’elles ne sont qu’un fait de propagande relayé par des médias complaisants. Or nous savons bien que ces difficultés ne datent pas des dix dernières années.

Disons-le tout net, l’originalité et l’intérêt du livre de Nicole Geneix et de Philippe Frémeaux tiennent moins aux critiques des politiques de la droite qu’aux perspectives ouvertes. En fait, les auteurs de Et si on aimait enfin l’école ! savent bien que les difficultés des enseignants, des élèves et de leurs parents ne sont pas de simples conséquences des décisions politiques récentes. Ils savent bien que la défiance, la peur de l’échec, le malaise de nombreux élèves et le découragement de leurs maîtres sont un mal profond. Le regard stigmatisant posé par l’école sur les parents défavorisés, la préférence française pour les classements précoces et les redoublements, l’échec de près d’un élève sur quatre, sont tenus pour de « véritables problèmes ». Dès lors, il faut affirmer que les maîtres d’école ne sont pas rétifs au changement même si les réformes accumulées les épuisent et les découragent. Il faut former les maîtres comme des professionnels et des experts de la pédagogie, il faut donner des moyens à l’école élémentaire, il faut revoir le calendrier scolaire, il faut que les parents soient traités comme des alliés et non comme des coupables ou des consommateurs. Ces inflexions s’imposent d’autant plus que l’école élémentaire dispose de moins de moyens que le second cycle alors que les destins scolaires se jouent dans les premières années. Ce livre suggère enfin, et c’est le plus important, de rapprocher l’école élémentaire et le collège autour d’une école du socle commun qui n’accepterait pas de laisser de côté un élève sur quatre sous le prétexte que les familles et la société ne donnent pas à l’école des élèves toujours dignes de ses ambitions. Contre le « syndicat éponge » qui n’exprimerait que les frustrations des enseignants Et si on aimait enfin l’école ! en appelle résolument à une tradition réformiste. Espérons que la gauche et les syndicats sauront dépasser la plainte et l’imprécation en écoutant ce message réaliste, généreux et courageux ; vertus assez rares dans notre pays quand il s’agit d’éducation.

François Dubet




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