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1.I-* A)Génération 2004 : les premiers pas dans la vie active sont plus difficiles

Dans le cadre des 5 à 7, l’IREA a reçu Emmanuel Sulzer, sociologue au Céreq, centre d’étude et de recherche sur les qualifications. Il est venu présenter et débattre du dernier rapport du Céreq, Génération 2004, "Quand l’école est finie, premiers pas dans la vie active de la génération 2004".

 Jean-Luc Villeneuve, de l’IREA  : Qu’est ce qu’une enquête générationnelle ?

Emmanuel Sulzer : C’est simple mais complexe à mettre en oeuvre. Chaque année, 700.000 jeunes quittent le système éducatif c’est à dire qu’ils ne se réinscrivent pas dans un établissement de formation alors qu’ils y étaient inscrits l’année précédente. Le Céreq cherche à savoir ce que sont devenus ces 700.000 jeunes deviennent après leur sortie du système éducatif français. Pour ce faire nous en interrogeons un échantillon d’environ 30.000, représentatifs de tous les niveaux de formation, de toutes les filières par enquête et ces enquêtes sont répétées tous les trois ans.

 JLV  : C’est la troisième enquête de ce type (1998, 2001, 2004) ; est-ce qu’on voit des évolutions depuis 1998 ?

ES : En terme de sortie, la structure des générations est relativement constante c’est à dire que la proportion de diplômés du supérieur, de bacheliers et de sorties sans qualification est relativement stable d’une enquête à l’autre. Par contre les conditions d’insertion d’une génération se montrent sensibles à la conjoncture économique. De ce point de vue la génération 2004 est située entre celle de 1998 et celle de 2001 ; on peut voir les effets de mesures politiques (suppressions de certains types d’emplois aidés par exemple, création des licences professionnelles) mais on peut aussi déceler des phénomènes qu’on peut penser plus structurels : un accès plus tardif à un emploi à durée déterminé, un nombre de jeunes qui accède à l’emploi moins important du fait de l’amplification des reprises d’études ou de retour en formation face à des difficultés rencontrées sur le marché du travail ; enfin, certains indicateurs laissent à penser à un moindre rendement du diplôme en terme de rémunération.

 JLV  : Quels sont les jeunes qui, par rapport au niveau de qualification, ont le plus de difficulté à trouver un emploi ?

ES : Traditionnellement les jeunes qui quittent le système scolaire sans qualification et en particulier les jeunes filles (certaines abandonnant la recherche d’emploi et se réfugiant dans des statuts matrimoniaux). A un degré moindre, les jeunes titulaires d’un seul baccalauréat, notamment général, soit qu’ils aient quitté le système scolaire après l’obtention du bac ou qu’ils aient échoué à poursuivre des études supérieures à l’université.

 JLV : Y-a-t-il une différence entre le bac général et le bac professionnel ?

ES : Au niveau bac, comme aux autres niveaux , on note une prime à la professionnalisation des filières de formation ; un bachelier professionnel ou technologique a plus de chance de s’en sortir qu’un titulaire d’un bac général. Point nouveau issus de la génération 2004, les diplômés de niveau V, CAP ou BEP ont beaucoup plus de difficultés que n’en avaient les générations précédentes.

 JLV : A quoi cela tient-il ?

ES : Le niveau V résiste bien dans ses bastions comme l’artisanat, mais on y note aussi une sélectivité qui exclue certains jeunes de l’apprentissage et donc aussi du marché du travail à l’issue de l’obtention d’un CAP. Sur de nouveaux postes, les niveaux 5 sont concurrencés par les bacheliers professionnels ; on peut aussi voir une forme d’auto-sélection, les sortants de niveau V étant parfois des élèves qui n’ont pas été capables de poursuivre un bac professionnel.

 JLV  : Quel est le taux de chômage des jeunes trois ans après leur sortie du système éducatif ?

ES : Sur l’ensemble d’une cohorte la moyenne du chômage est de 14 % ; ce n’est pas pour autant une situation catastrophique, les jeunes sont affectés d’un sur-chômage en début de vie active, mais on peut faire l’hypothèse que quelques années plus tard leur taux de chômage va s’aligner sur celui de la moyenne nationale.

 JLV  : Quelle est la proportion de jeunes qui retournent en formation ou en étude ?

ES : Sur l’ensemble de la génération 2004, environ 7% de jeunes reprennent leurs études ou une formation longue dans la période de trois ans ; 4 % retournent vers des études ordinaires , 3% entrent dans des filières de formation d’un autre type. Si on s’intéresse aux titulaires du seul baccalauréat c’est près d’un sur deux qui retourne en formation.

 JLV  : Les jeunes ayant effectué un stage en entreprise trouvent-ils plus facilement un emploi ?

ES : Quelque soit le niveau considéré, les formations professionnelles paraissent plus efficaces en terme d’insertion. Mais est-ce dû au contenu de la formation ou aux réseaux de relations que la formation a permis de nouer ? Un tiers des jeunes ont une connaissance ou ont déjà effectué un stage dans l’entreprise où ils ont leur premier emploi.

 JLV  : Est-ce que l’apprentissage est aussi positif que la publicité le dit ?

ES : L’apprentissage semble efficient, l’accès à l’emploi des jeunes passés par la voie de l’apprentissage semble nettement facilité par rapport à ceux qui auraient obtenus le même diplôme par la voie scolaire, aussi bien au niveau V qu’en licence professionnelle ; toutefois, est-il possible de développer davantage l’apprentissage ? les employeurs sont ils prêts ? Les jeunes issus de l’immigration ont en particulier des difficultés à intégrer la voie par apprentissage.

 JLV : Le rapport montre-t-il une discrimination à l’embauche pour les jeunes issus de l’immigration ?

ES : Les discriminations existent ; elles ne sont peut-être pas aussi massives et généralisées qu’on l’imagine. Les diplômés du supérieur issus de l’immigration n’ont pas davantage de difficultés d’insertion que les autres. Par contre, au niveau des diplômés du secondaire, il est manifeste que les jeunes issus de l’immigration ont des difficultés d’accès à l’emploi qui sont extrêmement prégnantes ; leur taux de chômage est près du triple que ceux des autres ; ils sont pour partie écartés des voies professionnelles par apprentissage, ce qui se ressent ensuite dans leur accès à l’emploi.

 JLV  : Est-ce qu’en terme d’embauche et de salaires, on constate une égalité entre les garçons et les filles ?

ES : Traditionnellement, les écarts sont marqués ; les taux de chômage des jeunes filles sont plus élevés, parfois supérieurs d’une dizaine de points. Mais à diplôme supérieur l’écart est lissée : le diplôme réduit l’écart d’insertion mais pas les écarts de salaires.

 JLV : Existe-t-il pour la génération 2004, une évolution des salaires et des types de contrat (CDI, CDD) ?

ES : Le taux de Contrat à Durée Indéterminée après trois ans de vie active est plus faible pour la génération 2004 que pour les générations précédentes. Les jeunes filles sont cantonnés dans des temps partiels contraints, non choisis ; près de 8% des jeunes actifs ont une rémunération inférieure au seuil de pauvreté (moins de 740 euros par mois) ; il s’agit dans 90 % des cas d’emplois à temps partiel,
ce qui peut amener un maintien prolongé au domicile parental.

  JLV  : Merci. J’espère que ce travail sera davantage utilisé en particulier par les institutions ; quand on mène des réflexions sur la formation et l’emploi, ce type de rapport mérite d’être utilisé.


Propos retranscris par Laurent Sirantoine




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