Jean-Michel Zakhartchouk, professeur de lettres, auteur bien connu de nombreux ouvrages pédagogiques dont « Comprendre les énoncés et les consignes », propose un nouvel ouvrage qui s’appuie notamment sur plusieurs contributions de collègues de matières différentes. Tous ces éclairages s’intéressent à la question de l’erreur et proposent donc, comme le dit le titre, d’ « Enseigner avec les erreurs des élèves ». Il est indispensable que l’élève voie l’erreur comme « une étape dans un processus ». Il faut en finir avec ce chiffre issu de Pisa qui montre que 75 % des élèves français ont peur de se tromper, soit un pourcentage beaucoup plus élevé que la moyenne de l’OCDE. 

Par transparence, je précise que je suis un des contributeurs, très modeste, de ce livre collectif.

Une histoire de l’erreur

Philippe Meirieu pose d’abord dans son introduction le fait que l’erreur est à la fois   « une alliée et une adversaire » et qu’il ne suffit pas d’enseigner pour que les élèves apprennent. Après ce propos liminaire, Jean-Michel Zakhartchouk se consacre d’abord à quelques rappels historiques utiles sur l’erreur et la façon de la considérer hier et aujourd’hui. Il invite toutefois à ne pas caricaturer l’école d’avant qui aurait été uniquement marquée par la sanction. Cependant, la dimension morale de l’erreur est à prendre en considération pour comprendre certaines pesanteurs et, d’ailleurs, l’auteur invite chaque enseignant à réfléchir à son passé d’élève. Jean-Michel Zakhartchouk souligne que la tendance de fond est plutôt à la bienveillance, ce qui signifie aussi sans doute qu’on ne peut pas encore généraliser ce constat. Il montre, par exemple, les ravages du point d’exclamation souvent trop présent dans des commentaires de copies d’élèves. 

Penser l’erreur autrement

Il énonce un droit à l’erreur et constate que cette idée fait, progressivement, son chemin. On peut citer comme premier cas concret de cet état d’esprit le cas de Cyril Lascassies, professeur de mathématiques, qui donne à ses élèves le droit de recommencer, avec de l’aide si nécessaire,  ou celui de Véronique Le Clec’h et Céline Ménoret avec la mise en place d’un cahier de réussites qui consigne au jour le jour les avancées de chacun. N’oublions pas également la démarche de cette professeure de français qui fait tenir aux élèves une feuille intitulée « l’expérience est la somme de toutes les erreurs » où ils notent des conseils de réussite. Il faut également clairement distinguer des temps différents entre apprentissage et évaluation sommative. 

Les apports des sciences cognitives

L’objectif est d’avoir une vision large de l’erreur et donc d’intégrer, par exemple, ce que les sciences cognitives peuvent apporter. Dans ce chapitre, l’idée est bien de tenir compte des sciences cognitives mais en évitant de verser dans un scientisme béat, c’est-à-dire en se faisant dicter une conduite. L’auteur conseille d’expliquer certains phénomènes aux élèves comme l’inhibition des habitudes trompeuses. Il s’agit bien de les initier et d’expliquer, par des exercices, ce qu’on appelle les trois systèmes : automatique, réflexif et inhibiteur. Il est fondamental également de donner des éléments de réflexion et de connaissance aux élèves sur les fonctionnement de la mémoire et d’évoquer, par exemple, l’empan mnésique qui permet de savoir combien d’éléments on peut retenir. On prolongera utilement la réflexion avec l’ouvrage « Les neurosciences cognitives dans la classe » paru en 2018. 

Multiples causes, multiples réponses 

Ce chapitre complète donc le précédent en mettant l’accent sur le fait qu’il « est important, pour savoir comment gérer l’erreur, d’analyser ce qui en est à l’origine ». A partir de là, des remédiations peuvent se mettre en place. Jean-Michel Zakhartchouk s’appuie ici sur les travaux de Jean-Pierre  Astolfi avec une typologie de l’erreur où il en distingue huit formes, le but étant ensuite de déboucher sur des activités de formation. Ainsi on peut noter les erreurs dues à une surcharge cognitive ou celles ayant leur origine dans une autre discipline, c’est-à-dire quand un même verbe de consigne ne signifie pas toujours la même chose selon les matières. Les travaux scientifiques insistent sur la nécessité d’expliquer les buts de chaque apprentissage, de fournir des modèles d’auto-interrogation ou encore de donner la parole aux élèves. 

Dépasser la correction et donner confiance

Jean-Michel Zakhartchouk conseille de développer l’autoévaluation et fournit de nombreux exemples concrets et transférables. Il invite aussi à repenser le statut du brouillon et plaide pour faire construire des évaluations aux élèves, exercice très formateur en effet. Il peut être aussi très pertinent de travailler sur les erreurs des élèves en les affichant et en les décortiquant, du moment que cela n’est pas fait dans un climat qui tournerait à l’humiliation. L’erreur paralyse et il faut donc totalement changer son approche et ce dès les plus petites classes, au risque de voir se développer des blocages. L’auteur livre des exemples d’expériences qui visent à redonner confiance à des élèves soumis depuis longtemps à l’échec avec par exemple l’utilisation du théâtre ou du sport.  

Tour d’horizon des matières et propositions 

Le livre fourmille, comme le dit Philippe Meirieu dans l’introduction, d’exemples concrets tout au long de ses treize chapitres. A partir du chapitre 8, on trouvera donc des propositions classées par matières tout en sachant que de nombreux cas sont adaptables. On peut citer la proposition de diversifier au maximum les modes de lecture en français. Il est indispensable également de développer une approche des langues, qui en fasse bien une matière vivante, et non pas l’occasion de pointer chaque erreur formelle. En mathématiques, relevons l’idée de cheminement, des propositions d’utilisation du calcul mental ou encore la narration de recherches. Le levier de l’interdisciplinarité revient dans plusieurs propositions. Il est aussi fondamental de travailler sur les méthodes, donc au delà des découpages disciplinaires. Pour la prise de notes, on peut analyser des exemples de production d’élèves pour mettre en évidence ce qu’il faut faire et réserver des moments à un travail de synthèse.

Les fake news

L’auteur choisit de développer une dernière thématique sur les « fake news » pour les débusquer. Là encore, l’interdisciplinarité apparait comme un allié de poids mais cela nécessite également un long travail pose la question du doute et insiste pour dire que « comme dans d’autres domaines traités dans ce livre, il ne faut pas penser que la lutte contre les erreurs peut se gagner de façon descendante par un exposé ». En d’autres termes, affirmer avec autorité aux élèves qu’ils se trompent ne sert pas à grand chose. Le chapitre se conclut par quelques propositions pratiques dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information. 

En conclusion, Jean-Michel Zakhartchouk plaide pour une nécessaire formation des enseignants à cette thématique de l’erreur et propose dix activités pour faire travailler les élèves sur leurs erreurs. C’est donc un ouvrage qui propose un éclairage très complet sur cette thématique. Après avoir rappelé tout ce qui se jouait derrière ce terme d’erreur, il développe des pistes nombreuses et concrètes pour les enseignants qui souhaitent faire autrement, mais surtout faire avec les élèves. 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes